Le contexte de COVID-19 et son impact sur les DDH au Brésil

Les actions, et inactions, du gouvernement Bolsonaro ont contribué à la mort de plus de 270 000 brésiliens (10 mars de 2021). Plus que l’inaction, le gouvernement a agi systématiquement pour nier la pandémie (décrite comme une petite grippe) et les recommandations des scientifiques et de l’OMS dans le contrôle de la contagion, en plus de l’adoption et la publicité des médicaments inefficaces (chloroquine), ainsi que des actions contre les gouvernements locaux qui ont promu des mesures de distanciation sociale et même de vaccination. Dans cette optique, Bolsonaro encourage en outre la polarisation sociale, en invitant les manifestants de droite à défier le confinement pour lui démontrer leur soutien, malgré les appels de la santé publique et de gouverneurs à s’isoler. Face à ces mobilisations de droite, on note au départ une augmentation de la présence de mouvements sociaux pro-démocratie, antifascistes et antiracistes dans les rues, notamment suivant la tragédie George Floyd aux États-Unis. Les départs fracassants, coup sur coup et en l’espace d’un mois seulement, de deux ministres de la santé plus enclins à faire respecter les directives sanitaires de l’OMS ont vu émerger un militaire sans aucune expérience en matière de santé à la tête du ministère. Les riches ayant les moyens économiques de se confiner, les pauvres sont vite devenus les principales victimes du coronavirus.

La pandémie a accentué les disparités, déjà jadis insoutenables. Avec un indice GINI de 53,9 en 2018, le Brésil faisait déjà piètre figure, hissé parmi les pays les plus inégalitaires non seulement du continent, mais du monde (Source BM : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SI.POV.GINI?contextual=region&locations=BR-1W) .  Le démantèlement des politiques sociales et particulièrement le sous-investissement chronique dans le système de santé public – gratuit et universel – le Sistema Unico de Saude (SUS), rend aujourd’hui excessivement ardue la lutte contre la pandémie.

Suivant le règne de la dictature militaire (1964-1985), ce système est né dans le sillon du retour de la démocratie, sous la pression des mouvements sociaux. Luttant pour une démocratisation des droits et libertés à l’ensemble de la population, ces derniers réussirent à faire reconnaître et cristalliser dans la constitution de 1988 un droit d’accès à la santé pour tous, ainsi que son pendant, un devoir imposé à l’État de le garantir. Bien conçu au départ, le sous-financement chronique a, au fil des années, mené à un démantèlement du système qui, la pandémie venue, s’est trouvé trop démuni pour faire face à la crise et freiner l’ascension du virus. Résultat fâcheux: le Brésil s’est rapidement hissé au second rang officiel des pays les plus durement frappés du monde. Par nécessité devant une crise hors de contrôle, le pays est devenu un laboratoire pour tester les vaccins développés à toute allure.

Le creusement des inégalités et les défaillances du SUS se sont traduits par une iniquité face à la maladie, la pandémie agissant comme une loupe grossissante, rendant évidente les inégalités brésiliennes préexistantes. Ainsi, ce sont les vies des populations les plus vulnérables qui ont été les plus durement touchées, c’est-à-dire celles des afro-descendants, des autochtones, des femmes, des gens issus de la communauté LGBTQ+ et des résidents des favelas et autres périphéries. Les défenseurs de droits humains, souvent parties de ces populations, ont été particulièrement affectés (voir le rapport de la FIDH en collaboration avec justiça global : https://www.fidh.org/IMG/pdf/rapport-bresil2021ang.pdf). Non seulement sont-ils généralement plus démunis face à la menace du virus, mais le contexte de la pandémie a aussi donné lieu à un nombre inquiétant d’attaques à leur endroit. Pour ces deux raisons, la pandémie a davantage posé une menace en ce qui a trait à leur sécurité.

Plutôt que de respecter son obligation de prendre soin de l’Amazonie et des communautés vulnérables qui y vivent, le gouvernement Bolsonaro mise sur l’agrobusiness et l’extractivisme comme stratégie de développement,ses politiques mettant en péril nombre de zones protégées de la plus grande forêt tropicale du monde. Depuis son arrivée au pouvoir, la déforestation en Amazonie brésilienne s’est accélérée, ayant en 2020 plus que doublé par rapport à 2012 (voir Rapport Amnesty International novembre 2020: https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/12/brazil-accelerating-deforestation-of-amazon-a-direct-result-of-bolsonaros-policies/). En l’espace d’un an, de juillet 2019 à juillet 2020, plus d’onze mille kilomètres carrés ont été rasés, une zone comparable à quatorze fois la taille de la ville de New York (https://www.globalwitness.org/en/blog/chart-focus-new-data-shows-deforestation-brazilian-amazon-12-year-high/). Le nombre d’assassinats de leaders autochtones est à son plus haut niveau depuis onze ans. Entre cette violence extrême, le coronavirus, un accès extrêmement limité – voire inexistant – aux soins de santé et la dégradation de leur environnement, les populations indigènes et traditionnelles font face à une vulnérabilité tout à fait extrême, certaines communautés étant même menacées de disparitions. C’est le cas du peuple autochtone Juma, dont le dernier représentant masculin a rendu l’âme le 17 février, des suites de la COVID-19 (Voir: https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/596079/bresil-en-amazonie-le-peuple-juma-au-bord-de-la-disparition).

Depuis 2019, quatre plaintes officielles, ainsi qu’une note informative ont été déposées à la Cour pénale internationale (CPI) contre Bolsonaro par différentes organisations. On l’accuse de crimes contre l’humanité et de génocide. L’une des plaintes, déposée par les chefs Raoni Metuktire (leader du peuple Kayapo) et Almir Narayamoga Surui (leader de la tribu Paiter Surui), inclut aussi une demande pour la reconnaissance de l’écocide à titre de crime contre l’humanité, estimant non seulement que la destruction de l’Amazonie représente un danger immédiat pour les populations locales et le Brésil, mais pour l’humanité dans son ensemble. Dans la société civile, de plus en plus de voix s’élèvent

Ce contenu a été mis à jour le 11 mars 2021.