Des lois anciennes et nouvelles qui criminalisent la manifestation et autres actions collectives au Chili

Ces initiatives politiques préservant l’héritage de l’amnistie au nom d’une « crainte de la violence populaire » et de l’accusation des victimes, furent aussi prolongées par une architecture légale favorisant la poursuite de la violence d’État en toute impunité (Comité contre la torture des Nations Unies, 2015) et nuisant gravement aux droits civils et politiques de la population. Avant les grandes manifestations commencées en octobre 2019, on trouvait ainsi au Chili un ensemble de lois héritées de la dictature mais renforcées en démocratie telle que la Loi anti-terroriste, qui continue, malgré quelques modifications, de violer systématiquement les droits individuels, civils et politiques des populations amérindiennes du Chili en leur prêtant des intentions [1]. Des condamnations de plusieurs années sur base de soupçons, la torture systématique dans les prisons chiliennes, ainsi que des exécutions extra-judiciaires et des disparitions forcées depuis 2000 montrent les effets d’un système où l’amnistie et l’accusation des victimes ont permis à la violence d’État passées d’être légitimée et de se poursuivre sous d’autres formes actuellement. Toutefois, depuis janvier 2020, le contexte des manifestations a révélé encore davantage combien ces dernières sont considérées illégitimes aux yeux du gouvernement Piñera : pas moins de 4 nouvelles lois ont été adoptées, qui restreignent gravement les droits civils et politiques et donnent des pouvoirs étendus aux forces policières et à l’armée tout en diminuant leurs responsabilités dans les violations des droits humains, renforcent les peines attribuées à la société, notamment pour les occupations de terrain et blocages de route, formes traditionnelles d’actions collectives en Amérique latine, particulièrement utilisées par les populations autochtones au Chili. Ces lois sont :

  • Loi Anti-saqueo (anti-saccages)
  • Loi anti-encapuchados (anti-capuches ou foulards devant le visage), qui empêche toute protection du visage contre les gaz lacrymogènes
  • Loi antibarricadas (« anti-barricades » mais aussi tout « blocage » comme les blocages de routes) qui affecte directement les communautés autochtones et les grèves étudiantes
  • Loi de protección de infraestructuras críticas (protection des infrastructures critiques) qui affecte directement les communautés autochtones et les sans-logis, donnant la possibilité de convoquer les militaires sans État d’exception [1].

Depuis mai dernier, une cinquième loi est aussi en cours de discussion. Basée sur le projet de loi dit de « Protection des infrastructures et intelligence nationale », ce texte donnerait à l’armée chilienne des facultés étendues de surveillance et de fichage des dirigeants sociaux, donnant à la criminalisation de la défense des droits une portée sans précédent en démocratie. Dénoncée y compris par des spécialistes du Groupe d’analyse de la Défense et des forces armées du Chili (GADFA), ce projet de loi propose la création d’un nouveau système d’intelligence nationale orienté vers la surveillance des manifestations et autres actions collectives [2].


Ce contenu a été mis à jour le 28 juin 2020.