Un cadre juridique contradictoire ou ambigu
Divers organismes locaux s’appuient sur les cadres juridiques et normatifs locaux, nationaux, et/ou internationaux pour justifier leurs luttes. Ceci est particulièrement le cas pour les regroupements autochtones, dans la mesure où certains instruments formalisent explicitement leurs droits particuliers. Au Mexique, comme dans plusieurs autres pays d’Amérique latine des documents internationaux comme la Convention 169 (Doran 2017) de l’Organisation internationale du travail (OIT) ou la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones sont souvent invoqués pour justifier des revendications dirigées vers divers paliers gouvernementaux (Radio Zapatista 2015). Cependant, même si le Mexique a ratifié ces documents, ces derniers demeurent peu contraignants. Leurs principes peuvent être contredits ou mis en concurrence avec d’autres régimes de droits – ceux des exploitations pétrolières ou minières par exemple – enchâssés dans divers paliers législatifs mexicains. Ainsi, une action justifiée par un instrument de droits peut être criminalisée par un autre instrument dont le Mexique est également tributaire.
Cette réalité peut être exemplifiée à travers les luttes contre les projets extractivistes de l’État d’Oaxaca. À la signature de l’ALENA (1994), diverses entreprises états-uniennes et canadiennes ont étendu leurs activités sur le territoire mexicain, malgré de nombreuses contestations chez les populations locales. La Convention 169 de l’OIT affirme le droit des peuples autochtones à être consultés avant la mise en œuvre de tout projet de développement sur leurs terres, et l’article 4 de la Constitution du Mexique reconnaît le droit à un environnement non pollué permettant une vie saine. Donc, la consultation des populations locales est à la fois un droit qui leur est reconnu, mais aussi un devoir de la part des différents paliers gouvernementaux mexicains. Cependant, ces cadres législatifs sont régulièrement ignorés dans un objectif de développement économique. En qualifiant des projets « d’utilité publique », les accords entre les gouvernements et les entreprises outrepassent les consultations nécessaires avec les populations locales (OCMAL 2019). Leurs répercussions sont désastreuses d’un point de vue socio-environnemental, car elles entraînent des déplacements forcés (Frayba 2016) et/ou contaminent les ressources nécessaires à la subsistance des populations locales (OCMAL 2019). Dans plusieurs cas, les communautés utilisent à la fois des recours légaux pour faire entendre leur voix tout en manifestant publiquement leurs revendications, avec pour conséquences fréquentes la brutalité policière ou l’incarcération arbitraire ainsi que de nombreuses autres violations graves des droits humains après les arrestations (De Wolf et al. 2016; Amnesty International 2017). Des violences contre les communautés et les manifestants peuvent également survenir lors de confrontations avec les supporteurs des projets extractivistes ou de groupes armés ou délinquants à la solde des promoteurs. Dans certains cas, l’escalade de ces dernières été jusqu’à l’assassinat de leaders communautaires ou écologistes (CDHAL 2019). Nous pouvons citer entre autres le cas du défenseur territorial Abraham Hernández Gonzales qui, après avoir été privé de liberté, a été retrouvé sans vie non loin de sa communauté (Avispa Midia 2018). Cette année, pas moins de cinq défenseurs territoriaux ont été assassinés dans l’État d’Oaxaca (Derechos Humanos Oaxaca 2021).
Ce contenu a été mis à jour le 24 février 2022.