Les méthodes judiciaires
La stigmatisation créée par la criminalisation discursive, jumelée à des cadres juridiques contradictoires entre eux, ou carrément promulgués comme mesures de dissuasion ou de répression de la mobilisation politique, favorise la distribution d’accusations arbitraires pour stopper le travail des défenseurs de divers droits. Cette réalité peut être illustrée, entre autres, par la répression des défenseurs des droits des migrants au Mexique. Dans ce cas, la criminalisation discursive et judiciaire va de pair avec un climat xénophobe perpétué par la crainte et le dénigrement des migrants (Frayma 2019).
La relation complexe qui existe entre le Mexique et les États-Unis a un impact considérable sur les trajectoires migratoires des populations internes et externes, notamment par la mise en place d’accords bilatéraux visant contrôler le flux migratoire aux frontières nord et sud du Mexique. Cette réalité a particulièrement été observée durant le mandat du président Donald Trump (2017-2021), ce dernier ayant exercé de nombreuses pressions politico-économiques auprès de son homologue mexicain pour qu’il mette en place la loi Quédate en Mexico (« Restes au Mexique ». Cette dernière oblige les demandeurs d’asile à patienter au Mexique en l’attente d’une autorisation d’entrée aux États-Unis. Ce long délai, motivé par un objectif de dissuasion de la migration, vulnérabilise les demandeurs d’asile et les réfugiés dans un contexte de violence généralisée et d’abus des personnes migrantes par le crime organisé. Le programme Quédate en Mexico est présentement en examen par le gouvernement de Joe Biden.
En 2012, le Mexique a introduit une loi générale “anti-traite de la personne”. À l’origine, l’intention de cette dernière était de lutter contre les violences perpétrées à l’encontre des personnes migrantes, notamment dans un contexte de lutte contre le crime organisé dont les membres exploitent la vulnérabilité des exilés à différentes fins. Imposant des peines de prison et de lourdes amendes aux personnes qui transigent avec les migrants illégaux (PRODH 2017), cette législation est vite devenue un véhicule pour la criminalisation des défenseurs des droits des sans-papiers (Torres Cantalapiedra 2020). Elle est utilisée pour les harceler et/ou les intimider dans le cadre de leur travail, mais aussi pour les incarcérer et les empêcher de poursuivre leurs luttes. Initiative mise en place par divers organismes de droits humains, la campagne #DefendersBeyondWalls a pour but de faire la lumière sur cette réalité (Souza 2019). Cette campagne a entre autres documenté le cas de Cristobal Sánchez et d’Irineo Mujica, deux défenseurs des droits des migrantEs ayant été arbitrairement privés de liberté sur la base de preuves fabriquées les accusant de participer à de la traite d’être humains (Frontline defenders 2019).
Cette loi est invoquée dans des contextes de migrations vers les États-Unis mais aussi de déplacements internes au Mexique. La criminalisation discursive promouvant une corrélation douteuse entre la montée du crime organisé et les parcours migratoires encourage l’élaboration de mécanismes de contrôle des déplacements pour identifier d’éventuelles menaces pour le pays (CMDPDH 2020). La criminalisation de la migration est donc justifiée par un objectif de sécurisation de la nation, et les défenseurs des droits des migrantEs en viennent à être perçus comme de potentiels participants à l’insécurité du pays.
Ce contenu a été mis à jour le 24 février 2022.